Macron va-t-il empêcher l’expulsion de Salah Hamouri par Israël ?

Israël a annoncé son intention d’expulser le prisonnier politique Salah Hamouri dans les prochains jours. Des législateurs et des défenseurs des droits de l’Homme appellent le gouvernement français à agir fermement pour l’en empêcher.

Photo : Elsa Lefort, à gauche, épouse de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, prend la parole lors d’un rassemblement organisé en juillet 2020 près de Paris pour demander sa libération. Israël, qui détient à nouveau Hammouri, a révoqué la résidence du natif de Jérusalem et annoncé son expulsion imminente. Crédit : Ait Adjedjou Karim Abaca Press

Elsa Lefort, épouse de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri, prend la parole lors d’un rassemblement organisé en juillet 2020 près de Paris pour demander sa libération. Israël, qui détient à nouveau Hamouri, a révoqué la résidence du natif de Jérusalem et annoncé son expulsion imminente. Crédit : Ait Adjedjou Karim Abaca Press

 

Ali Abunimah, le 1er décembre 2022

 
L’avocat franco-palestinien est en détention “administrative” israélienne, sans inculpation ni procès depuis juillet, dernière épreuve en date de la longue campagne de détention, de harcèlement et de persécution menée par Israël à son encontre.

Aujourd’hui, Hamouri a été informé qu’il serait expulsé dans les jours qui viennent pour “défaut d’allégeance”, selon Addameer, l’association de défense des prisonniers où il travaille.

Depuis des années, Israël cherche à révoquer la résidence d’Hamouri à Jérusalem, la ville où il est né et qu’Israël occupe en violation du droit international.

Israël, qui n’a aucune autorité légale ou légitime pour le faire, révoque régulièrement la résidence des Palestiniens de Jérusalem, une forme de nettoyage ethnique bureaucratique visant à supprimer l’organisation politique palestinienne tout en judaïsant la ville.

Mercredi, selon Addameer, la ministre israélienne de l’intérieur, Ayelet Shaked,

a réaffirmé sa décision de révoquer la résidence de Salah et a signé son expulsion avec l’approbation du ministre israélien de la justice, Gideon Saar, et suite aux recommandations de l’Agence israélienne de sécurité“.

La réponse de la France critiquée

Jeudi, le ministère des affaires étrangères à Paris a déclaré que la France suivait l’affaire Hamouri “de très près et au plus haut niveau.”

En réponse à une question lors de son point de presse quotidien, le porte-parole du ministère a noté que le président Emmanuel Macron avait “évoqué son cas lors d’un appel téléphonique avec le Premier ministre israélien Yair Lapid.”

Hamouri “doit être autorisé à vivre une vie normale à Jérusalem, où il est né et réside, et sa femme et ses enfants doivent être autorisés à y retourner et à le rejoindre” a déclaré le ministère.

Pour certains militants en France, c’est loin d’être suffisant.

Vous n’avez rien fait de concret pour faire pression sur Israël”,

a tweeté Madjid Messaoudene, militant antiraciste, en réponse à la déclaration de l’administration Macron.

“Israël vous humilie tous les jours et vous l’acceptez. Vous ne l’accepteriez d’aucun autre État”

a ajouté Madjid Messaoudene.

“Si Salah Hammouri est expulsé, vous en porterez la responsabilité.”

Le bloc parlementaire de gauche français LFI-NUPES a également appelé à une action plus robuste de Paris.

“Il est grand temps que la diplomatie française affiche plus clairement son soutien à Salah Hammouri et hausse le ton contre Israël”

ont déclaré les parlementaires.

Cet appel a été repris par de nombreux parlementaires, dont Eric Coquerel, président de la commission des finances du Parlement français.

Pendant ce temps, le CRIF, principal groupe communautaire juif et pro-israélien de France, a attaqué les législateurs de gauche pour leur solidarité avec Hamouri, les accusant de soutenir la “destruction d’Israël” et le “terrorisme.”

“C’est du sadisme”

En plus d’emprisonner Hamouri sans accusation ni procès et de chercher à l’expulser de son pays natal, les autorités d’occupation israéliennes ont également violé son droit à la vie familiale.

Ma femme, Elsa Lefort, est une citoyenne française. Elle a été expulsée par Israël en 2016 alors que nous attendions notre premier enfant“,

a écrit Hamouri pour The Electronic Intifada en 2020.

Depuis quatre ans, je suis séparé de ma femme et de mon fils.

Elsa Lefort a déclaré aux médias le mois dernier

“Nous avons été frappés dans notre bonheur et placés devant un choix que personne ne devrait avoir à faire”

 “Vous devez choisir entre votre patrie et votre femme et votre fils. C’est du sadisme.”

Le plus jeune enfant du couple connaît à peine son père.

“La petite a vu son père pour la dernière fois quand elle avait 11 jours. Maintenant, elle a presque 19 mois”,

a déclaré Lefort.

“Donc pour elle, son père est surtout une photo qu’elle embrasse.”

“Escalade sismique”

Expulser

“le défenseur des droits Salah Hamouri de sa Jérusalem natale serait une escalade sismique dans les efforts d’Israël pour expulser les Palestiniens et [un] assaut violent contre la société civile palestinienne”

a tweeté jeudi Omar Shakir, directeur Israël et Palestine de Human Rights Watch, exhortant Macron à faire pression sur Israël.

Shakir a noté qu’Addameer, l’employeur de Hammouri, est l’un des nombreux groupes palestiniens de défense des droits de l’Homme qu’Israël prétend avoir mis hors la loi en tant qu’organisations “terroristes” et qu’il a violemment attaqué l’année dernière.

En tant que telle, la situation d’Hamouri “incarne la lutte des défenseurs des droits des Palestiniens contre l’apartheid” a ajouté Shakir.

Des appels similaires ont été lancés par de nombreux autres défenseurs des droits de l’Homme.

Mais il reste à voir si Macron, qui ne manque aucune occasion d’exprimer son soutien à Israël – allant jusqu’à nier sa perpétration du crime d’apartheid face à des preuves accablantes – agira.

Ce n’est guère un signe encourageant que l’ambassade de France à Tel Aviv ait récemment célébré l’arrivée du détaillant français Carrefour en Israël.

Au début de l’année, Carrefour (*) a annoncé qu’il allait introduire ses produits en Israël en partenariat avec des entreprises israéliennes profondément impliquées dans la colonisation illégale des terres palestiniennes occupées.

Alors que la France prétend s’opposer aux colonies israéliennes et à d’autres abus, elle a été plus qu’heureuse de voir des entreprises françaises s’enrichir de leur complicité dans les crimes de guerre contre les Palestiniens, même si elles sont aussi des citoyens français.

*****

Ali Abunimah, cofondateur et directeur exécutif de The Electronic Intifada, est l’auteur de The Battle for Justice in Palestine, paru chez Haymarket Books.

Il a aussi écrit : One Country : A Bold Proposal to end the Israeli-Palestinian Impasse

                             ****

Publié 1er décembre 2022 sur The Electronic Intifada
Traduction : AFPS

*****

A Paris …

Ce jeudi 1 décembre le collectif Samidoun Paris-Banlieue, un collectif de soutien aux prisonniers palestiniens, a déployé une banderole à porte de vincennes en soutien à l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri.

MISE A JOUR, 4 décembre 2022

Les avocats et la famille de Salah Hamouri ont tenu une conférence de presse à Jérusalem vendredi, expliquant que l’avocat ne sera pas expulsé ce week-end et qu’il a obtenu une audience qui aura lieu mardi prochain.

Mais son équipe a déclaré que la menace d’expulsion de l’avocat reste bien réelle et qu’Hamouri pourrait être embarqué de force sur un vol pour la France à tout moment.

Source : The Palestine Chronicle, 3 décembre 2022

Print Friendly, PDF & Email

Vous aimerez aussi...