Sinéad O’Connor avait ce courage qui fait défaut aux dirigeants de l’Irlande

Sinéad O’Connor était une chanteuse fabuleuse qui disait toujours ce qu’elle pensait. Les hommages qui ont suivi son décès ont souligné à quel point elle était attentive aux vérités que l’on qualifie de nos jours de dérangeantes.

 

Sinéad O’Connor respectait l’appel palestinien à boycotter Israël.

Sinéad O’Connor respectait l’appel palestinien à boycotter Israël. (Photo : Mark Doyle / SplashNews)

 

David Cronin, 27 juillet 2023

Ses positions hardies contre les abus sur mineurs commis par le clergé catholique et contre l’invasion de l’Irak par les EU en 1991 ne sont pas passées inaperçues dans les médias traditionnels. N’empêche que son importante contribution à la campagne en faveur des droits palestiniens a été passablement négligée.

En 2014, elle avait annulé un concert qu’elle était censée donner en Israël. Elle avait agi de la sorte en guise de protestation contre l’importante agression contre Gaza cet été-là.

« Toutes les personnes de sens rassis, et j’en suis, ne pourraient éprouver que de la sympathie envers le sort des Palestiniens »

avait-elle dit à l’époque.

« Il n’est pas une personne sensée sur terre qui ne sanctionne d’une façon ou d’une autre ce que foutent ces satanées autorités israéliennes. »

La sincérité des propos de Sinéad contraste fortement avec les positions de plus en plus trouillardes adoptées, concernant la Palestine, par le gouvernement de son pays natal.

 

C’est un robot qui dirige le ministère des Affaires étrangères

Examiner ces positions soulève aussitôt la question suivante : Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Michéal Martin, aurait-il été transformé en robot ?

Chaque fois que l’Union européenne publie une déclaration sur la Palestine, le robot Martin la répète mot pour mot ou avec d’infimes modifications.

Jamais le robot Martin ne semble mettre en doute les partis pris sous-jacents.

Que répond le robot Martin au raid massif entrepris par Israël dans le camp de réfugiés de Jénine un peu plus tôt ce mois-ci ?

Le raid – il convient de le rappeler – a été l’offensive militaire israélienne la plus importante en Cisjordanie depuis deux décennies. Au moins 12 Palestiniens ont été tués, dont quatre enfants.

Ce contexte est d’une importance vitale. Mais vous n’en trouverez pas la moindre trace dans le seul tweet publié par le robot Martin à propos du raid.

Ce tweet faisait uniquement allusion aux « troublants événements de Jénine » et réclamait une « désescalade immédiate ».

Les commentaires du robot Martin étaient accompagnés de photographies prises lors de sa rencontre avec Sven Koopmans, l’envoyé de l’UE au Moyen-Orient. Koopmans a qualifié le raid de Jénine en usant d’un euphémisme : une « situation terrible ».

 

Jénine a également subi un important raid israélien le mois dernier.

Le robot Martin y est également allé d’un message, sur le moment.

Un message particulièrement décevant, d’ailleurs.

Le 21 juin, le robot Martin tweetait qu’il était « profondément choqué par le meurtre, hier, de quatre Israéliens innocents en Cisjordanie ».

Un peu plus loin, dans le même tweet, il disait : « Je suis également alarmé par le fait que 7 Palestiniens ont été tués à Jénine cette semaine. »

 

Remarquez le langage utilisé.

Selon le robot Martin, les Israéliens sont victimes de « meurtres », mais les Palestiniens meurent du fait d’avoir été « tués ».

De même, l’échelonnement des faits dans le tweet du robot Martin induisait lui aussi en erreur.

La fusillade contre les colons israéliens en Cisjordanie avait eu lieu après un raid israélien contre Jénine. Le tweet du robot Martin donnait l’impression, toutefois, que les Israéliens avaient été tués avant le raid sur Jénine et qu’ils auraient donc pu servir d’excuse, en quelque sorte, ou de justification du raid.


Plus insipide que les bureaucrates

Parfois, le robot Martin est même plus insipide que les bureaucrates qui représentent collectivement l’Union européenne.

En mai, Israël lançait la dernière de toute une série d’offensives majeures contre Gaza.

Le 9 mai, le premier jour de l’attaque, Israël tuait 15 Palestiniens. Quatre d’entre eux étaient des enfants.

Tant le robot Martin que les services diplomatiques de l’UE réagissaient à l’attaque en disant qu’ils déploraient les pertes en vies humaines.

Il y avait une légère différence, quoique d’importance, avec ce qu’ils auraient dû dire.

La réponse de l’UE était typiquement faiblarde. Néanmoins, elle reconnaissait qu’Israël avait effectué des frappes aériennes sur Gaza.

Le robot Martin, lui, a négligé de désigner Israël comme étant l’agresseur.

Cette conduite lâche se manifeste depuis quelques années déjà.

Alors qu’il était nominalement dans l’opposition, Michéal Martin et son parti, le Fianna Fáil, soutenaient la législation visant à interdire les importations des colonies israéliennes en Cisjordanie et dans les hauteurs du Golan.

La proposition de Loi sur les Territoires occupés – tel est le nom de la législation – a été approuvée par une nette majorité à l’Oireachtas, le parlement national de l’Irlande.

Bien que faisant partie de cette majorité, Martin a fait volte-face durant son récent mandat de taoiseach (Premier ministre de l’Irlande). En 2020, il a prétendu que la législation de UE signifiait que la proposition de loi ne pouvait en fait pas être appliquée.

Il convient toutefois de contester les dires de Martin suggérant qu’il avait eu les mains liées par Bruxelles.

Alors que l’UE a des réglementations strictes concernant le commerce, ses gouvernements jouissent d’une certaine latitude en ce sens qu’ils peuvent entreprendre des actions unilatérales lorsque des questions d’intérêt public fondamental sont en jeu. S’opposer aux activités israéliennes de mise en place de colonies – des crimes de guerre, selon les lois internationales – constitue très précisément une question d’intérêt public fondamental.

Et, même si l’UE tente de contrecarrer une interdiction de marchandises des colonies introduite par l’un de ses gouvernements, il est certain que l’élite de Bruxelles va devoir s’attendre à des contestations. Pourquoi donc devrait-on respecter des diktats destinés à permettre que perdure une situation perçue comme injuste ?

Sinéad O’Connor était l’une des très nombreuses personnes en Irlande à s’indigner des crimes d’Israël contre l’humanité.

Les robots du gouvernement de Dublin auraient-ils donc été programmés pour ignorer cette indignation ?

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David Cronin est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont Europe Israël : Une alliance contre-nature (Ed. La Guillotine – 2013) et  Europe’s Alliance With Israel: Aiding the Occupation (Pluto Press, 2011 – L’Alliance de l’Europe avec Israël contribue à l’occupation). Il a participé à la rédaction du rapport “The israeli lobby and the European Union”. 
Son dernier livre est : Balfour’s Shadow: A Century of British Support for Zionism and Israel (Pluto Press – Londres 2017).

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Publié le 27 juillet sur 2023 sur The Electronic Intifada
Traduction : Jean-Marie Flémal, Charleroi pour la Palestine

 

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